Indice

Indice

25.1.11

Quand ce rien gêne #5

Être supposément cruel, ça donne le cancer.

Le monde des (&) haïssables moutons


Je suis un handicapé. Un handicapé social. Il y a du monde que j'aime. Que j'aime inconditionnellement.  Le monde en général, toutefois, m'est qu'une vapeur. Il ruisselle tièdement entre ma peau et mes vêtements. Ce que je voudrais être dans un désert sans conditions. Et d'ainsi n'avoir que le temps de fixer mon soleil à travers ces nuages tièdes. Qu'il me chauffe le sable en dessous de mes pieds et qu'il m'offre mille et un mirages.

***

Que les moutons restent brouter à leur pâturages. Que les moutons noirs se tiennent en gang avant de passer au rasoir comme tout les autres. Si le désert n'existe pas, je serai le loup qui s'attaque instinctivement au troupeau. Qui ne mange son assiette qu'à moitié. Un loup guettant le spectacle dans l'ombre de sa horde. Ou ce qu'il croit être une ombre. Car il ne regarde qu'au noir de la journée et qu'il ne se plait qu'à hurler aux étoiles, la gorge à leur merci.
Il n'y a pas si longtemps qu'il était un de ces chiens. Obéissant aux règlements du berger. Mais c'est à cause de ces maudits moutons et leur frustrante innocence. Leur incroyable complaisance face à l'insignifiance qu'ils se partagent. Leur épatante indifférence à ne s'exprimer qu'en bêlant. N'en manger qu'un seul, ou même seulement une moitié, n'y paraît. Tant à l'oeil qu'au coeur. Tant à l'esprit qu'à la faim. Ils ne sautent la clôture qu'en rêves. Ils ne parlent qu'en comédie. Ces haïssables moutons.
Le chien que j'ai été s'est réfugié de cette apeurante sécurité au plus près du ciel étoilé. Le haut de cette falaise a bercé l'instinct berger jusqu'au coma. Dorénavant, c'est maintenant une errance qui demeure emprisonnante. Puisque tout tourne autour des moutons qui tournent autour de tout.

20.1.11


Un cerf-volant se fait traîner par terre. À L'autre extrémité de la ficelle, une main gauche et une main droite s'enlacent. La droite est poilue, la gauche a les ongles vernis. Il y a aussi des pieds poilus et des pieds aux ongles vernis qui foulent le gazon à grande vitesse.
Le vernis est du même rouge que le cerf-volant. Avant, quand le cerf-volant était plus haut que les lampadaires, on ne s'attardait pas à regarder ce qui était de la même couleur que celui-ci. Maintenant qu'il glisse sur le sol, on voit pourquoi il est tombé. On ne lève plus les yeux au ciel, mais on jette des regards en arrière. Les mains et les pieds continuent à courir, mais on fait davantage attention de ne pas se heurter aux cailloux.
Il vient bien sûr le temps où on se demande à quoi ça sert de courir avec un cerf-volant à terre. On se demande si on veut s'arrêter. Et si on s'arrête, veut-on refaire décoller notre cerf-volant rouge ou le laisser traîner?
Les paumes des mains commencent à suer ensemble. Ça les écoeure. La force dans les jambes s'atténue rapidement. Le cerf-volant s'accroche dans une poubelle de parc. La ficelle glisse des mains et leur laisse quelques marques rouge dans les paumes. Du même rouge que le vernis.
En se retournant vers le cerf-volant échoué, les quatre pieds se marchent dessus. On s'essuie la sueur sur les paumes sur le gazon. On s'assoit en indien en regardant le rouge du cerf-volant.
Jusqu'à ce qu'un se lève et dit «Je ne suis pas vraiment bien assis en indien» puis quitte dans la direction opposée au rouge.

3.1.11

Extase à chaque coin de mur

Pour que tout se déroule bien, il me faut généralement prendre quelques minutes de pause. Quand on me fait le saut, je trébuche si je continue à marcher. Quand on me surprend, je bafouille des excuses débiles si je prend parole trop subitement. Je crois que c'est normal. Que la vitesse de reprise d'équilibre intellectuel varie d'un individus à l'autre. Cependant, je crois que je m'en suis trop rendu compte. J'ai abusé de la pause pour réfléchir et maintenant ma détente mental manque de pratique. J'ai le recul trop facile. Trop souvent, je fuis ce qui demande une réponse immédiate. Ça frôle la procrastination. La plus grande conséquence est le ralentissement de mon rythme de vie et la rareté de ceux pouvant la suivre. J'aime me promener dans l'immobilité, mais je voudrais bien que quelqu'un s'y égare à mes côtés. À la même cadence. Avec la même douce et légère hâte. Que l'on prenne du temps à scruter ce que certains ne peuvent que voir. Que l'on s'éternise à ressentir une étape même si la suivante est plus exquise. Que l'on se délecte de l'amer pour ne jamais avoir à abhorrer quoi que ce soit. Pour vivre éternellement en extase. Avec une telle personne, j'espérerai un sursaut à chaque coin de mur. J'arrangerai volontairement que l'on nous surprenne. Plus jamais de bêtises, plus jamais de chutes. Seulement une apesanteur étouffée. À chaque coin de mur.